Il ne fallait pas un autre colloque pour savoir que le secteur automobile est en difficulté. Ceux qui y travaillent, des constructeurs aux fournisseurs, des concessionnaires aux analystes, des journalistes aux lecteurs, le savent depuis longtemps : la transition énergétique se révèle plus longue, coûteuse et incertaine que promis.
Et pourtant, ce qui a émergé du #FORUMAutoMotive de Milan est quelque chose de différent : une photographie actualisée qui montre comment les prévisions faites il y a un ou deux ans sautent déjà. Pas seulement au niveau des chiffres, mais surtout dans les rapports de force mondiaux. Et cela, oui, devrait faire réfléchir.
Le problème n'est plus le "si", mais le "quand"
L'étude présentée par AlixPartners lors de la rencontre a fourni un cadre clair, bien qu'il soit déjà connu : le marché européen est destiné à se contracter de 2% en 2025, la croissance dans les prochaines années sera modeste et la part des constructeurs chinois en Europe passera de 8 à 13 % d'ici 2030.
Mais la véritable nouveauté ne réside pas dans le chiffre en soi : c'est dans le fait que la croissance prévue du marché européen dans les cinq prochaines années sera absorbée par les marques chinoises. Pas une part. Pas une partie. Tout.
Et tandis que les constructeurs européens et américains peinent à défendre leurs parts, ils voient aussi leur rentabilité s'éroder, alors que les concurrents chinois améliorent leurs marges (en termes simples : ils ne se contentent pas de vendre plus, ils gagnent plus).
Et la voiture électrique ? Quelque chose bouge, mais au premier semestre, seulement 10 % des nouvelles immatriculations concernent les VE ou PHEV. Pas vraiment le rythme exigé par le Green Deal, et maintenant tous regardent avec espoir et intérêt les incitations de 2025.
Dans les chiffres de l'étude présentée par AlixPartners, il y a un autre détail important : les émissions moyennes des voitures neuves sont pratiquement au même niveau depuis 2017. Et le parc roulant continue de vieillir.
Ce n'est donc pas un problème de "technologie". C'est un problème d'accès, de délais et, surtout, de réalisme économique.
L'électrique ne décolle pas, mais ce n'est pas le problème
AlixPartners rappelle qu'entre 2025 et 2027, de nombreux nouveaux modèles électriques arriveront, surtout dans les segments A et B, mais la différence de prix par rapport aux modèles à combustion reste un obstacle concret.
Curieusement, c'est précisément dans les données du marché de l'occasion qu'il pourrait y avoir un des leviers les plus intéressants pour l'avenir de la voiture à batterie : la valeur résiduelle des VE est encore basse, une limite pour ceux qui vendent, mais une opportunité pour ceux qui achètent.
Les Chinois sont déjà là
Et puis il y a le thème qui a enflammé la partie la plus chaude du débat à Milan : la compétitivité. Si jusqu'à hier, le débat se concentrait sur la nécessité de changer de motorisation, aujourd'hui le secteur s'interroge sur qui produira, quoi et où.
La BYD Atto 3 sera produite en Hongrie
La question n'est plus "devons-nous électrifier le marché ?", mais : "Y aura-t-il encore une industrie européenne capable de le faire ?". À cette question, Andrea Taschini, manager et conseiller automobile, a répondu sans détour : "Ceux qui pensent battre les Chinois sur leur propre terrain risquent de perdre. La seule voie est d'imposer des droits de douane ou de contingenter l'importation."
Une position radicale ? Peut-être, mais les marques chinoises ont des prix compétitifs, de nombreux produits et les droits de douane ne freinent pas leur avancée sur nos marchés (tout au plus, cela la ralentit).
La politique commence à changer de ton, mais est-ce suffisant ?
Au #FORUMAutoMotive, on a également vu un certain alignement entre la politique et l'industrie, du moins sur le plan des déclarations. De nombreux eurodéputés ont reconnu que les délais du Green Deal doivent être revus, qu'il faut une véritable neutralité technologique et que sans un plan pour la production énergétique, la transition ne pourra pas fonctionner.
#FORUMAutoMotive 2025 Photo : FORUMAutoMotive Ce n'est pas la première fois qu'on l'entend dire et le secteur, comme l'a rappelé Pierluigi Bonora, l'initiateur de l'événement, est fatigué des paroles : "À Bruxelles, nous devons passer à l'action ou ce sera le game over du système automobile européen".
La politique européenne prépare la révision des règlements entre la fin de 2025 et le début de 2026, mais une chose est certaine : ceux qui attendent encore de voir vers quel côté soufflera le vent ont déjà perdu l'occasion de se préparer.
